Alors que la hausse des températures entraîne une augmentation des quantités de pollens, le nombre de cas d’allergies pourrait bien exploser dans les prochaines années.
Sortez les mouchoirs et éloignez-vous des arbres… Sept départements de l’Est et du Sud-Est ont été placés en vigilance rouge aux risques d’allergie aux pollens depuis mardi, et douze autres sont en vigilance orange. Cette arrivée des pollens est précoce pour la saison, avec presque un mois d’avance, et s’explique par un hiver très doux, réchauffement climatique oblige.
Avec des températures bien au-dessus des normales de saison – janvier 2020 a été le mois de janvier le plus chaud jamais enregistré sur la planète -, la pollinisation des arbres a donc déjà commencé, comme en témoigne la carte de vigilance éditée par le Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA). Dans les départements du Sud-Est, ce sont les cyprès qui sont déjà en période de pollinisation, tandis que dans le Grand Est, il s’agit majoritairement des aulnes.
« L’augmentation du mercure a favorisé la pollinisation des arbres et on se retrouve avec des pollens émis en grande quantité pour un mois de février », relève auprès de L’Express Samuel Monnier, ingénieur au RNSA. « Cette forte concentration de pollens est arrivée d’un coup, en Méditerranée notamment, depuis début février alors que normalement elle commence début mars, donc on a bien 15 jours – un mois d’avance sur la saison », appuie-t-il.
Selon cet ingénieur, la tendance devrait se poursuivre dans les jours à venir alors que la météo s’annonce favorable. Et de fait, la saison pollinique en sera rallongée, prédit encore Samuel Monnier : « En général, si la saison des pollens commence plus tôt, il y a des chances qu’elle dure aussi plus longtemps. »
La double peine de la pollution
L’effet du réchauffement climatique sur la saison des pollens avait déjà été signalé dans le bilan annuel publié en mars 2019 par la RNSA, la Fédération des associations de surveillance de la qualité de l’air (Atmo France) et l’Association des pollinariums sentinelles de France (APSF). « Le réchauffement climatique et la hausse des températures conduisent à une augmentation des quantités de pollens », peut-on lire dans ce rapport, qui présageait aussi : « D’après les simulations faites par le RNSA, les effets du changement climatique sur les pollens risquent de s’amplifier dans le futur ».
Et pour cause : les plantes n’aiment pas la pollution. « Leurs pollens vont s’abîmer au contact de la pollution et laisser sortir des particules cassées, plus fines, qui seront donc inhalées plus facilement par le corps humain. Ces particules de pollens vont pénétrer les voies aériennes inférieures et provoquer de l’asthme, des rhinites, etc. », illustre auprès de L’Express la professeure Isabelle Annesi-Maesano, directeur de recherches à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), spécialiste des maladies allergiques et respiratoires.
Cette pollution, qu’elle soit naturelle ou liée à l’activité humaine, conduit à une double peine pour les personnes allergiques : en plus de rendre les pollens plus fins, elle va aussi fragiliser les défenses naturelles. « La pollution est un irritant qui va attaquer les muqueuses. La pénétration des pollens en sera ainsi facilitée car les muqueuses ne garantissent plus la réponse immunitaire appropriée », complète Pr Annesi-Maesano.
Les « asthmes d’orages »
De fait, peut-on craindre une augmentation des cas de personnes allergiques aux pollens dans les années à venir ? Aujourd’hui, on estime entre 30 et 35% le nombre de Français (adultes) allergiques aux pollens, et environ 20% d’adolescents. D’après l’Inserm, ce chiffre a triplé en 20 ans et est « en constante augmentation ».
« A l’avenir, on aura plus de personnes touchées par des allergies aux pollens, la première d’entre elles étant la rhinite. Déjà aujourd’hui on voit une augmentation des rhinites allergiques chez les patients », soutient Isabella Annesi-Maesano, qui rappelle que cette maladie « bénigne » peut conduire à souffrir d’asthme.
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Et pour appuyer son propos, la directrice de recherches à l’Inserm prend l’exemple des « asthmes d’orages ». « Les orages font bouger la pression atmosphérique, les pollens sont montés vers les nuages et au contact de l’eau des nuages, ils retombent en toutes petites particules sur les gens », vulgarise Isabelle Annesi-Maesano, assurant que des personnes sont ainsi devenues allergiques aux pollens alors qu’elles ne l’avaient jamais été auparavant.
Un pic de crises d’asthme survenu à la suite d’un orage en période d’émission de pollens avait ainsi été relevé par SOS Médecins à Nantes en juin 2013. Ces « asthmes d’orages » ont également conduit à des décès, notamment à Melbourne en Australie en 2016, comme le rapportait Le Monde. « C’est encore assez épisodique, mais avec le changement climatique, ces orages pourraient bien s’intensifier dans les années à venir », prévient encore Isabella Annesi-Maesano.
Autre facteur aggravant : les plantes allergisantes gagnent du terrain à la faveur du réchauffement climatique, et véhiculent des pollens dans les régions qu’elles colonisent. « C’est notamment le cas de l’ambroisie, une espèce très allergisante et envahissante de la vallée du Rhône. On voit que cette plante s’étend, en Charente par exemple… Et on l’a vue en altitude aussi, à plus de 1000 m, alors qu’on la trouve habituellement plutôt sur des terrains nus », met en garde Samuel Monnier du RNSA.
Selon une récente étude citée par l’Inserm, la concentration dans l’air de pollen d’ambroisie pourrait ainsi quadrupler en Europe d’ici à 2050 et « le changement climatique serait responsable des deux tiers de cette augmentation ».