Michael Bloomberg participe à son premier débat démocrate ce mercredi. Il est prêt à mettre tout le poids de sa fortune pour battre le président. Mais la première étape, à savoir remporter l’investiture démocrate, s’annonce ardue.
C’est l’homme qui plane sur les primaires démocrates. Depuis le début, la stratégie du milliardaire Michael Bloomberg est claire : faire cavalier seul. L’ancien maire de New York, qui s’est lancé dans la course très tard, en novembre 2019, a ainsi décidé de faire l’impasse sur les premières primaires démocrates de l’Iowa, du New Hampshire, du Nevada (le 22 février) et de Caroline du Sud (le 29).
Son objectif : frapper fort, en délaissant ces États peu pourvus en délégués, pour tout miser sur le « Super Tuesday » le 3 mars. Ce jour-là, 14 États voteront d’un coup, dont le Texas et la Californie qui élisent le plus grand nombre de délégués, ces derniers devant désigner le candidat démocrate en juillet. Cependant, Michael Bloomberg va devoir s’exposer plus rapidement que prévu après s’être qualifié à la toute dernière minute pour le débat démocrate à Las Vegas, ce mercredi.
Nouvelle percée dans les sondages
C’est justement grâce (ou à cause) de sa stratégie, qui semble payante pour le moment, que le milliardaire peut participer au débat. Une condition était nécessaire : avoir 10% ou plus dans quatre sondages nationaux. Elle a été remplie mardi avec le dernier sondage NPR/PBSNewsHour/Marist Poll où Michael Bloomberg arrive en deuxième position avec 19% des intentions de vote, quatrième sondage où le candidat dépasse ce seuil des 10%. Un véritable bond pour celui qui n’était qu’à 5% en décembre et qui est aujourd’hui derrière Bernie Sanders (31%).
« Avoir 19% au niveau national, sans participer aux quatre premiers scrutins, c’est énorme » insiste Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas, spécialiste de la politique américaine et auteur de Et s’il gagnait encore ? (V.A. Éditions, 2019). « C’est un événement majeur car on ne s’attendait pas à ce qu’il soit qualifié pour le débat. Cela retourne complètement la pression : avant, c’était lui qui mettait la pression sur toute la campagne. Désormais, c’est l’inverse. »
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Le milliardaire avait en effet deux choix : snober ce rendez-vous, pour éviter la confrontation et se concentrer sur son objectif du « Super Tuesday »…au risque d’être accusé de fuir un débat. Ou accepter de se présenter, au risque de prendre les coups. Ce sera cette deuxième option. « Mike a hâte de rejoindre les autres candidats démocrates sur scène et expliquer pourquoi il est le meilleur candidat pour battre Donald Trump et unifier le pays », a indiqué mardi son directeur de campagne Kevin Sheekey dans un communiqué.
« Ils vont tous dire qu’il n’est pas légitime »
Depuis son entrée en lice, Michael Bloomberg a dépensé 300 millions de dollars, provenant de ses fonds personnels, pour financer des spots de campagne qui inondent les chaînes américaines et Internet. Il a annoncé qu’il pourrait aller jusqu’à 500 millions de dollars pour battre Trump. « On n’a jamais dépensé autant d’argent pour une campagne électorale. Il a déjà dépensé le double de la campagne Kennedy », souligne Jean-Éric Branaa. « Sa stratégie était d’émerger au-dessus de tout le monde grâce à son argent, sans se mouiller dans le débat politique. Il va être obligé d’entrer dans l’arène politique. Et ça va être un massacre, ils vont tous critiquer sa campagne et dire qu’il n’est pas légitime, ou critiquer son bilan de maire. »
Depuis quelques jours, il est déjà devenu la cible préférée des autres candidats démocrates. Sans grande surprise, tout d’abord de l’aile gauche. Samedi dernier, Bernie Sanders l’a comparé avec un autre milliardaire, Donald Trump, l’accusant de vouloir acheter l’élection. Son nom a même été copieusement sifflé par la foule. En réponse, Bloomberg a publié via Twitter un montage vidéo critiquant l’attitude des partisans de Sanders. « Nous devons nous unir pour battre Trump en novembre. Ce n’est pas ce genre d »énergie’ qui nous y conduira », écrit-il.
Les attaques viennent également des candidats au positionnement centriste. Quelque « 60 milliards de dollars peuvent vous acheter beaucoup de publicité, mais cela ne peut pas effacer votre bilan », a affirmé dimanche Joe Biden sur NBC, lui reprochant par ailleurs de ne pas avoir soutenu la candidature de Barack Obama en 2008.
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« Vous ne pouvez pas vous cacher derrière les ondes télévisées », a aussi accusé dimanche la modérée Amy Klobuchar sur CNN. « Je sais que je ne peux pas le battre sur les ondes, mais je peux le battre sur l’estrade des débats ».
Accusations de racisme et de sexisme
Pris dans un maelström de critiques, le milliardaire a dû également faire face à de récentes polémiques au début du mois. Il a été notamment dénigré après la publication sur les réseaux sociaux d’extrait audio datant de 2015. On l’entend défendre sa politique de stop-and-frisk (« arrêter et fouiller »), interpellations et fouilles qui auraient suscité une explosion des contrôles au faciès à New York. « Vous pouvez simplement prendre la description, la photocopier et la distribuer à tous les flics. Ce sont des hommes, des minorités, de seize à vingt-cinq ans. C’est vrai à New York, c’est vrai dans presque toutes les villes » , déclare-t-il. Assez pour mettre le hashtag #BloombergIsRacist en tendance sur Twitter.
Le milliardaire a dû réitérer ses excuses pour cette politique – qualifiée de « raciste » par Bernie Sanders – dont il a reconnu qu’elle avait conduit à l’arrestation de « trop d’innocents », « une immense majorité » de Noirs ou de Latinos.
Nouvelle polémique pas plus tard que samedi dernier avec des allégations de sexisme remises sur la table après la publication d’une longue enquête du Washington Post. « Je ne serai pas là aujourd’hui sans le talent des femmes autour de moi », s’est-il défendu sur Twitter.
Quoi qu’il en soit, sa percée semble inquiéter Donald Trump qui le prend de plus en plus pour cible, se moquant régulièrement de sa taille et le surnommant « Mini Mike ». Et le qualifiant même de « raciste » dans un tweet le 11 février, avant de supprimer rapidement le message. En retour, Bloomberg n’hésite pas à se moquer du faux bronzage et du surpoids du président. Reste à voir comment il se défendra face à ses adversaires démocrates lors du débat ce mercredi.