Les autorités chinoises demandent aux personnes guéries du virus de donner leur sang afin d’en extraire le plasma pour soigner les malades encore dans un état grave.
C’est une course contre la montre pour élaborer le meilleur traitement contre le Covid-19. Et toutes les solutions sont les bienvenues, alors que l’épidémie a contaminé plus de 72 000 personnes en Chine, dont près de 1 900 mortellement, selon le dernier bilan ce mardi. Lundi, les autorités de santé chinoises ont demandé aux personnes guéries du coronavirus de donner leur sang afin d’en extraire le plasma pour soigner les malades qui sont encore dans un état grave.
Le plasma de ces anciens patients qui avaient été infectés contient en effet des anticorps pouvant permettre de diminuer la charge virale chez les malades sévèrement atteints. Seul le plasma est prélevé, les autres composants du sang, dont les globules rouges et les plaquettes, étant restitués aux donneurs.
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Onze patients hospitalisés à Wuhan, l’épicentre de l’épidémie, ont reçu des transfusions de plasma la semaine dernière, précise à l’AFP Sun Yanrong, du Centre biologique du ministère des Sciences et Technologies. D’autres hôpitaux chinois, comme celui de Shanghai, injectent également aux patients du plasma sanguin prélevé sur d’ex-malades. « Nous sommes convaincus que cette méthode peut être très efficace », indique à l’AFP Lu Hongzhou depuis son établissement.
Hépatite B, rage, tétanos…
Selon Michael Ryan, le directeur des programmes d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’utilisation du plasma d’anciens patients « s’est avérée efficace » pour certaines maladies. « C’est une méthode très valable pour explorer les thérapies, surtout lorsque nous n’avons pas de vaccins et que nous n’avons pas d’antiviraux spécifiques », a-t-il ajouté.
L’utilisation de ce procédé n’est pas une première dans l’histoire médicale. « La méthode peut être plus ou moins sophistiquée, mais on l’utilise beaucoup et depuis plus d’un siècle. Son succès est éprouvé dans un certain nombre de situations », souligne auprès de l’Express le professeur Bruno Hoen, directeur de la recherche médicale de l’Institut Pasteur.
« Pour certaines maladies, le seul ou le principal traitement efficace est l’administration sous une forme ou une autre d’anticorps issus de donneurs qui ont été soit convalescents, soit vaccinés contre la maladie, et qui ont fabriqué des anticorps spécifiques contre l’agent infectieux », analyse l’infectiologue. Bruno Hoen cite l’hépatite B et la rage. Il mentionne notamment les traitements pour les nouveau-nés de mères porteuses du virus de l’hépatite B, ou encore les immunoglobulines [des protéines jouant un rôle essentiel dans la défense de l’organisme contre les agressions] contre la rage, préparées à partir de plasma humain et contenant un taux élevé d’anticorps contre la rage.
Pour la rage et l’hépatite B, l’injection de plasma est également utilisée « de façon préventive », souligne à l’Express Yazdan Yazdanpanah, « afin d’empêcher de tomber malade », précise le chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Bichat, à Paris. Le procédé est aussi utilisé, entre autres, chez les patients non vaccinés contre le tétanos.
Beaucoup moins de succès contre Ebola
L’injection de plasma n’a en revanche pas été efficace contre Ebola. Courant 2015, 84 patients atteints de cette maladie avaient reçu une transfusion de plasma de personnes convalescentes. Mais il n’y a pas eu de réduction significative du taux de décès 14 jours après la transfusion chez les patients traités, rappelle le site Trust My Science. Avec un taux de 31%, le nombre de décès dans le groupe traité avec du plasma de personnes convalescentes était légèrement moindre que pour le groupe n’ayant pas reçu de transfusion de plasma (38 %).
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Si l’injection de plasma rencontre des succès mitigés, cela s’explique par la multitude de paramètres dont dépend sa réussite. « Il faut réaliser le prélèvement de plasma au moment où la concentration des anticorps est maximale, mais on ne connaît pas ce moment. On peut tester la concentration d’anticorps dans le sang, mais cela demande un peu de techniques », précise à l’Express Arnaud Fontanet, responsable de l’unité d’épidémiologie des maladies émergentes à l’institut Pasteur.
« L’expérience montre que l’efficacité de ce traitement est d’autant plus grande que l’administration est précoce. Plus on intervient tardivement, et moins on est efficace », assure Bruno Hoen. Problème, pour le coronavirus chinois : la quantité de stocks de plasma ne permet pas, à ce stade, de l’administrer à des malades atteints à un stade relativement précoce.
Les autorités chinoises optimistes
Les autorités chinoises concentrent donc pour le moment leurs efforts sur les malades les plus graves. Avec le risque « d’arriver un peu tard », note Bruno Hoen. « Pour montrer l’efficacité d’un traitement, il faut l’utiliser sur des patients sévèrement malades car ce sont ceux qui ont le plus besoin de le recevoir », rappelle Yazdan Yazdanpanah.
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Les premiers retours semblent en tout cas positifs, selon Pékin. « L’un des patients est déjà rentré chez lui, un autre a été capable de se lever et de marcher et les autres sont en voie de guérison », a affirmé Sun Yanrong, du Centre biologique du ministère des Sciences et Technologies. Le China National Biotec Group a quant à lui assuré dans un message sur le réseau WeChat que des malades ayant reçu des transfusions de plasma avaient vu leur état « s’améliorer dans les 24 heures ».
« Des essais cliniques ont montré que les transfusions de plasma de malades guéris sont sans danger et efficaces », a précisé Sun Yanrong. « L’administration de plasma est globalement bien tolérée », confirme Arnaud Fontanet. Mais d’après Yazdan Yazdanpanah il faut se donner encore du temps avant de tirer des conclusions sur l’efficacité de ce traitement. « Pour juger, il faut effectuer des essais comparatifs. On ne peut pas se baser sur un, deux ou onze traitements pour dire si ça marche ou non, il faut faire des essais cliniques pour le dire ». D’ici là, il est urgent d’attendre.