Avec Elsa Dreisig, Demain, c’est déjà aujourd’hui


À la rentrée 2018, elle nous avait bluffés par l’envoûtante alchimie de son premier album, Miroir(s). Richement accompagnée par l’Orchestre de Montpellier-Occitanie, la jeune soprano Elsa Dreisig, auréolée de son récent titre de révélation lyrique des Victoires de la musique classique 2016, y avait composé sa propre galerie des glaces. Faisant se répondre, dans un fascinant jeu de doubles, deux visions d’un même personnage croqué par deux compositeurs différents. La Rosine de Mozart dialoguait avec celle de Rossini, la Manon de Puccini avec celle de Massenet et la Juliette de Gounod avec celle de Steibelt. Une manière délicate et raffinée de présenter, sans avoir l’air, toute l’étendue de ses talents, de ses possibilités et de ses envies pour les années à venir. Une intelligence du programme qui ne pouvait toutefois faire oublier l’essentiel: la qualité de l’interprétation. Rondeur de la voix, maturité de l’artiste, facilité des aigus… Tout était déjà là pour prédire à la jeune femme de vingt-six ans des lendemains qui chantent.

Ces lendemains, les voici rassemblés dans Morgen: son second opus pour le label discographique Érato. Morgen, qui en allemand signifie «demain». Mais aussi «matin». Et c’est précisément à cette dualité que nous renvoie l’écoute de ce nouvel album. Dualité entre une fraîcheur vocale et une profondeur d’interprétation toutes aussi insolentes. Loin de l’opulence de ses miroirs, la chanteuse se présente ici dans la nudité du récital avec piano seul, alternant les pages monumentales qui composent les Quatre derniers lieder de Strauss et les mélodies délicates de Duparc ou Rachmaninov. Une fois encore, l’intelligence et la sensibilité avec laquelle est composé ce bouquet, n’hésitant pas à découper le cycle des Quatre lieder pour encadrer chaque air d’autres mélodies de même atmosphère, dénotent une authentique démarche artistique. Jouant sur l’intime, ce disque permet une approche plus dépouillée du chef-d’œuvre straussien. Plus poétique aussi, en ce sens qu’il nous rend le texte plus accessible. À ce titre, Elsa Dreisig démontre une fois encore qu’elle a le sens du texte et de la langue. Comme dans Miroir(s), sa diction, tant allemande que française, ne prête jamais le flanc aux critiques. Et le jeu de Jonathan Ware, qui l’accompagne, ne fait que surligner cette évidence du sens qu’elle donne aux mots. Gageons qu’il en sera de même sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, où les deux artistes reprendront ce voyage à travers les saisons de la terre et de la vie en suivant le même chemin.

Quant au label Érato, on ne peut que saluer la pertinence de ses choix. Surtout lorsque l’on sait que la maison de disques publiera au printemps prochain, dans un tout autre registre, le premier album de la radieuse Marie Oppert, merveilleuse Peau d’âne de l’an dernier à Marigny.

» Elsa Dreisig en récital, le 28 janvier à 20 h au Théâtre des Champs-Élysées, 15, avenue Montaigne (Paris 8e). Tél.: 01 49 52 50 50. Places: de 10 à 75 €. Le 30 janvier au Grand Théâtre de Bordeaux. Le 27 avril au Théâtre du Capitole de Toulouse, mais aussi à Londres, Cologne, Berlin, Lugano.

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