La majorité s’attend à un « Verdun démocratique » dans l’hémicycle


Laurent Pietraszewski, Edouard Philippe, Agnes Buzin et Olivier Dussopt. — Eric TSCHAEN/Pool/SIPA

  • Face aux milliers d’amendements déposés par La France insoumise, la commission spéciale sur les retraites ne devrait pas avoir le temps d’achever l’examen du texte d’ici ce mercredi soir.
  • Le projet de loi arrive le 17 février dans l’hémicycle.
  • La majorité s’attend à une bataille acharnée avec l’opposition.

« On a marqué un point », sourit le député insoumis Eric Coquerel dans les couloirs de l’Assemblée nationale. « Le gouvernement a voulu nous imposer un calendrier inimaginable sur cette réforme des retraites. Ils vont devoir repartir à zéro ». En déposant 19.000 amendements,
La France insoumise estime avoir réussi son pari : 
Après neuf jours d’échanges parfois absurdes, la commission spéciale n’aura pas le temps d’achever l’examen du projet de loi sur les retraites d’ici ce mercredi soir.

Le texte présenté dans l’hémicycle à partir du 17 février sera donc celui proposé initialement par le gouvernement. « Ils ont essayé de bloquer le débat, mais sur le fond, ça ne change pas grand-chose. Les amendements votés seront repris en séance publique », soupire Didier Baïchère, député LREM des Yvelines et membre de la commission. Mais la majorité n’est peut-être qu’au début du chemin de croix sur ce texte : les oppositions fourbissent leurs armes pour faire barrage à la réforme.

« La bataille ne fait que commencer »

« On espère qu’après avoir fait son show, LFI aura une position plus raisonnable en séance », confie Marie Lebec, vice-présidente du groupe LREM à l’Assemblée, lors d’une conférence de presse. L’élue des Yvelines appelle ainsi l’opposition à « la responsabilité » et à « la modération », sans donner l’impression d’y croire vraiment.

Car les insoumis promettent déjà un « feu d’artifice » à la majorité. « La bataille ne fait que commencer. On va faire rebelote en plénière en déposant autant d’amendements que possible. Chaque jour gagné profite au mouvement social », prévient Eric Coquerel. Amendements, motion de censure, motion
référendaire, les parlementaires de gauche souhaitent piocher dans toute la batterie d’instruments à leur disposition.

La dernière trouvaille revient aux socialistes, qui vont lancer une commission d’enquête sur « la sincérité » de l’étude d’impact accompagnant le projet. « Cette étude est partielle et partiale, évoque des hypothèses discutables », tranche Boris Vallaud, député PS des Landes. Si la démarche n’aura pas d’effet sur l’avancement de l’examen du texte, elle constitue néanmoins une difficulté supplémentaire pour la majorité, avec la convocation probable de cadres de l’exécutif pour témoigner sous serment. « Il faut faire vivre le Parlement par tous les moyens. On va aller au fond du texte à chaque fois qu’on le pourra, pour éclairer la représentation nationale sur les duperies de l’exécutif, comme sur
ce point d’indice », qui reste encore à définir, poursuit Boris Vallaud,
l’un des spécialistes de l’opposition sur le projet de loi.

Face à l’obstruction parlementaire, la perspective d’un 49-3 ?

Dans l’après-midi, les questions au gouvernement donnent une idée des échanges à venir. L’insoumise Clémentine Autain fait hurler la majorité lorsqu’elle évoque Margareth Thatcher. « Votre réforme n’est pas prête, vous devriez la retirer plutôt que de la faire passer de force ! », cogne ensuite le communiste Pierre Dharréville. La droite aussi attaque, avec l’élu des Vosges Stéphane Viry, qui dénonce un « calendrier impropre » et un « délitement démocratique ». A chaque fois, Laurent Pietraszewski répond, fiches en main, levant parfois la voix pour couvrir les huées.

« Ça va être un pugilat, on se prépare à une guerre de position, à un Verdun démocratique », fustige Bruno Bonnell, député LREM du Rhône. « Cette stratégie de blocage est inadmissible de la part des oppositions, mais on a la majorité, donc on votera les articles, un par un, à la chaîne s’il le faut ».

Le temps presse car la majorité souhaite toujours faire voter le texte avant le premier tour des municipales, le 15 mars. Pour absorber la masse d’amendements attendue, l’exécutif pourrait allonger le temps des débats, de deux à trois semaines. Une prolongation suffisante ? La perspective d’un 49-3, évoqué par certains, est pour le moment écartée. Interrogé sur le sujet, Matignon balaie : « On tient à voter le texte avant les municipales et à ce stade rien ne nous dit qu’on n’y arriverait pas. »

Un cadre du parti résume, fataliste : « Sur les retraites, on s’est embourbés, on réussit à transformer de l’or en plomb… Bien sûr, la loi va passer mais on va peiner à en tirer un bénéfice positif dans l’opinion. »



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