SÉOUL — Pris dans les limbes politiques en tant que demandeurs d’asile déboutés, environ 1 000 Chinois existent furtivement en Corée du Sud, redoutant la torture et l’emprisonnement s’ils sont forcés de retourner Chine.

Ils sont tous membres de l’Église du Dieu Tout-Puissant, une émanation uniquement chinoise du christianisme dénoncé comme un «culte illégal» par le Parti communiste chinois (PCC), qui voit son succès gagner des adhérents comme un défi dangereux pour un régime qui réprime toutes les formes de culte, qu’elles soient chrétiennes, musulmanes ou bouddhistes.

La répression de la Chine contre les églises chrétiennes

« Beaucoup de gens acceptent la Parole de Dieu Tout-Puissant, donc le PCC panique », dit un jeune membre qui s’appelle Cecily. «Le PCC croit que la religion est en concurrence avec le communisme.»

Le réseau de renseignement omniprésent du Parti est tel que personne n’ose téléphoner à un membre de sa famille en Chine, encore moins se lancer dans des conversations en ligne. «Ils ont une police Internet», explique Cecily. «Si vous dites« Dieu tout-puissant », ils vous arrêteront. Ils criminalisent les mots de code. « 

Les membres se réunissent ici dans un centre de l’église du Dieu Tout-Puissant qui ressemble à un immeuble de bureaux moderne avec un musée. Des images et des textes sur la montée de l’église depuis ses origines dans les années 80 sont exposés. Au début, c’était l’une des nombreuses «églises de maison», où le christianisme est toujours pratiqué en Chine, souvent en secret. Mais en 1991, selon l’histoire officielle, la dénomination dont le nom chinois se traduit par «foudre oriental» a été fondée dans la croyance que le Christ est né de nouveau et de retour sur Terre sous l’apparence d’un mystérieux chef de la foi – une femme qui peut vivent maintenant dans la région métropolitaine de New York.

Depuis ces premiers jours, l’église «subit une persécution très sévère», explique Angelia Zheng (un nom qu’elle a adopté en Corée), parlant de ce qui lui est arrivé ainsi qu’à ses «frères et sœurs» qui les ont obligés à fuir. Outre ceux qui sont allés en Corée du Sud, environ 4000 sont dispersés dans des refuges aux États-Unis, au Japon, à Hong Kong et ailleurs, y compris à Taiwan, la province insulaire chinoise qui demeure un État capitaliste distinct au large de la côte est de la Chine.

L’histoire continue

UNE BARRE D’ÉCLAIR POUR LA PERSÉCUTION RELIGIEUSE

En comptant au moins « 146 croyants ayant été persécutés à mort » et en déclarant « 400 000 autres arrêtés », Angelia pense que l’église « subit une persécution vraiment sévère » et est « le groupe religieux le plus persécuté en Chine ».

Il n’y a aucun moyen de vérifier les chiffres, mais il ne fait aucun doute que l’Église du Dieu Tout-Puissant, avec de plusieurs centaines de milliers à plusieurs millions d’adorateurs, se classe très haut sur la liste des ennemis du PCC des groupes religieux composés principalement de Chinois de souche. Un autre serait le groupe bouddhiste Falun Gong.

Ces répressions se sont intensifiées sous le règne de Xi Jinping avec la répression impitoyable des Ouïghours, une minorité ethnique dont 11 millions de personnes, principalement musulmanes, vivent dans la région du Xinjiang, dans le nord de la Chine.

L’église figure en bonne place dans le plus récent « Rapport sur la liberté religieuse internationale » du département d’État américain, basé sur des données compilées en 2018, dont une grande partie semble provenir de l’église elle-même:

« L’Église de Dieu Tout-Puissant a rapporté qu’en avril, la police du PCC a secrètement arrêté et torturé l’un de ses membres pendant 25 jours », selon le Département d’État. « L’individu a été envoyé à l’hôpital avec de graves blessures au crâne et elle est décédée plusieurs mois plus tard. L’église de Dieu Tout-Puissant a également rapporté que le 27 juin, deux membres d’église ont été arrêtés et le 2 juillet, l’un d’eux a été » persécuté  » à mort « dans le centre de détention municipal de Chaoyang. »

Dans le rapport annuel récemment publié par l’église «sur la persécution du gouvernement communiste chinois», il est indiqué que le nombre de personnes persécutées augmente rapidement – 1 355 de ses fidèles condamnés en 2019, soit plus du double du nombre pour 2018. Selon le rapport de l’église le PCC a mené des enquêtes «porte-à-porte, personne par personne» aidées par «la technologie des mégadonnées et des outils informatiques dans le but d’arrêter plus de chrétiens par le biais d’opérations spéciales».

«Les choses sont aussi mauvaises qu’elles l’étaient à la fin de la révolution culturelle», explique J. Gordon Melton, professeur d’histoire religieuse à l’Université Baylor. De 1966 à 1976, jusqu’à 80 millions de personnes ont été tuées alors que les gardes rouges saccageaient à travers le pays dans un mouvement de réforme révolutionnaire ordonné par Mao Zedong. «L’Église de Dieu Tout-Puissant souffre le plus», dit Melton. « Tous ceux qui reviennent sont arrêtés dès qu’ils descendent de l’avion. »

ÉGLISES DE MAISON

Melton, qui a visité la Chine et la Corée du Sud à plusieurs reprises ces dernières années, considère l’Église du Dieu Tout-Puissant comme la cible principale d’une campagne massive dans laquelle Xi a ordonné que des portraits de lui-même et de Mao soient accrochés côte à côte dans un catholique sanctionné par l’État. et les églises protestantes. « Xi veut qu’ils retirent les croix », dit-il. «Xi ne veut pas qu’elles ressemblent à des églises. Il ne veut pas que vous sachiez que c’est une église lorsque vous vous promenez. « 

Environ la moitié des 80 à 100 millions de chrétiens en Chine fréquentent des églises qui ont survécu légalement, si ce n’est mal à l’aise, dans le cadre d’arrangements dans lesquels le gouvernement nomme ou approuve leurs dirigeants. En 2018, le pape François est parvenu à un «accord provisoire» avec la Chine, dont les détails restent secrets. Il aurait permis à Pékin de nommer des évêques, mais aurait laissé au pape le soin de les approuver.

Pendant ce temps, des millions de Chinois adorent dans des «églises de maison», offrant des services à de petites congrégations dans des installations banalisées, avec ou sans la connaissance ou l’approbation tacite des autorités.

Ensuite, il y a environ 20 congrégations totalement interdites, dont la plus importante est l’Église du Dieu tout-puissant. Ils sont étiquetés comme des sectes criminelles. «Ils défient le gouvernement et le nouveau programme de sinisation mis en place par le président Xi», explique Melton. La campagne contre l’Église du Dieu Tout-Puissant, dit-il, est similaire à celle contre le Falun Gong, une organisation bouddhiste avec une adhésion mondiale qui a été pratiquement anéantie en Chine mais prospère parmi les communautés chinoises du monde entier.

LA VIE EN COURS

C’est pour échapper aux interrogatoires brutaux et à la torture que les membres de l’Église du Dieu Tout-Puissant ont commencé à venir en Corée, profitant d’une politique en vertu de laquelle des foules de vacanciers chinois inondent l’île pittoresque de Jeju au large de la côte sud de la Corée avec des visas touristiques d’un mois disponibles sur arrivée.

Les membres de l’Église, peu intéressés par les beautés de Jeju, s’envolent ensuite pour le continent coréen où ils demandent l’asile en tant que victimes de l’oppression. Dans tous les cas, ils sont refusés mais se voient rapidement accorder des prolongations qui les empêchent de postuler de nouveau tous les trois mois, incapables de travailler légalement mais toujours pas expulsés vers la Chine et certains emprisonnements.

Cependant, même cette avenue pourrait fermer, car la Corée du Sud a imposé des contrôles stricts sur les voyages de Jeju vers le continent. Une trentaine de membres de l’Église du Dieu Tout-Puissant sont toujours bloqués à Jeju. Dans le même temps, les Chinois sont de plus en plus sévères à délivrer des passeports, les refusant absolument à toute personne soupçonnée de liens avec l’Église de Dieu Tout-Puissant ou d’autres sectes «criminelles».

Les membres de la réunion de l’église à Séoul racontent des histoires poignantes de souffrance, de solitude et de séparation d’avec les familles avec lesquelles ils n’ont désormais aucun contact. L’un d’eux, appelé Jason, décrit avoir été emprisonné pendant trois ans, fabriquer des chaussures et tisser pendant 10 heures par jour, manger du pain moisi, boire la soupe d’une soupière dans laquelle la saleté et le sable étaient visibles au fond. «Ils ont ordonné aux prisonniers de chanter des hymnes», dit-il. « Si vous enfreignez les règlements, ils vous battront. »

Une femme d’âge moyen qui porte le nom de Xiang Yi, qui signifie «croyance en Dieu», décrit une vie en fuite pendant 12 ans en Chine avant d’arriver ici il y a quatre ans. «Ils sont allés chez moi pour m’arrêter, mais j’avais déjà quitté la maison pour la maison de ma sœur. J’ai risqué ma vie pour obtenir mon passeport. »Elle n’a pas eu le temps de dire au revoir à son fils, avec qui elle n’a plus été en contact depuis son arrivée en Corée, et elle n’a jamais vu sa petite-fille née il y a près de deux ans.

Un autre adhérent, qui s’appelle Jamie Chao, est arrivé à peu près au même moment après avoir été arrêté, détenu pendant une semaine, violemment frappé à la tête et aux jambes, puis lâché prise. «Après ma libération, ma femme a été arrêtée», dit-il. «La police est allée à la maison, a confisqué du matériel.» Maintenant, dit-il, sa femme est cachée, effrayée d’aller n’importe où de peur que la police ne la renvoie en prison.

La répression «empire de plus en plus», dit Jamie, tandis que le PCC sous Xi exerce un contrôle quasi total. Le Parti communiste chinois « devient de plus en plus tyrannique », dit-il. «Le parti a des comités locaux partout.»

Sans surprise, l’Église de Dieu Tout-Puissant est amèrement anticommuniste, bien que les membres insistent sur le fait qu’ils ne sont pas contre le régime de Xi Jinping en tant que tel, juste son traitement d’eux et d’autres groupes religieux.

LE DRAGON ROUGE MAL

Les premières déclarations de l’église se réfèrent au régime comme «le dragon rouge maléfique de la Bible», et une brochure publiée en anglais dit catégoriquement: «Le PCC est une dictature athée qui déteste la vérité et est hostile à l’œuvre de Dieu.» Le parti, dit-il, « est terrifié à l’idée que les chrétiens témoignent largement et diffusent l’œuvre de Dieu afin que les gens acceptent tous la vraie voie et rejettent le PCC, menaçant sa dictature. »

C’est pourquoi, dit la brochure, « Le gouvernement du PCC a qualifié le christianisme et le catholicisme de ‘sectes’ et a étiqueté la Bible comme un ‘livre de cultes’. » À la suite de cette campagne sans relâche, continue-t-il, « de nombreuses églises de maison ont été fermées de force, des rassemblements ont été interdits et d’innombrables chrétiens ont été arrêtés »- certains« torturés à mort »tandis que« d’éminents pasteurs et dirigeants d’églises ont également été tués par le PCC ».

La version officielle des autorités chinoises est bien sûr tout à fait différente. Après le meurtre d’une femme dans un McDonald’s dans l’est de la Chine en mai 2014, les autorités ont déclaré que les tueurs étaient des «missionnaires» autoproclamés de l’église qui l’ont appelée «un démon» après qu’elle ait refusé de donner son numéro de téléphone portable, puis l’ont battue à mort . (Le Daily Beast a largement couvert l’incident et son contexte à l’époque.)

Est-ce la secte Doomsday la plus effrayante en Chine?

La police a également déclaré que des fanatiques de l’église avaient recruté des personnes ayant subi un lavage de cerveau, selon l’agence de presse chinoise New China News Agency. Un officier aurait déclaré au début que « les nouvelles recrues n’étaient pas obligées de donner ou d’assister à des rassemblements, mais après être devenues converties, elles ont été manipulées pour quitter leur famille et tout consacrer au culte ».

Aujourd’hui, les chercheurs ont tendance à soutenir la réponse des membres de l’église qu’un autre groupe était à blâmer pour le meurtre de McDonald. Le PCC, dit l’église, mène une campagne de propagande accusant l’église de nombreuses infractions dans sa campagne pour la détruire comme elle l’a fait pour le Falun Gong.

FAUSSE NOUVELLES

«La plupart de ce que vous trouvez sur Internet à propos de l’Église de Dieu Tout-Puissant est faux», explique Massimo Introvigne, directeur du Centre d’études sur les nouvelles religions à Turin, en Italie. « La propagande chinoise montre des photos de personnes battues et mutilées par le CAG mais n’a pas produit de preuves, de détails ou de procès-verbaux plus spécifiques concernant la poursuite des membres du CAG pour ces crimes présumés. »

Quant au meurtre de McDonald’s, « les chercheurs ont conclu sans équivoque que les assassins n’étaient pas liés au CAG », explique Introvigne, auteur de À l’intérieur de l’église de Dieu tout-puissant: le mouvement religieux le plus persécuté en Chine, qui sortira en mars. «Le régime chinois a attribué le crime au CAG pour justifier sa persécution au pays et à l’étranger.»

Désireux de dénoncer Xi Jinping et le Parti communiste chinois, cependant, l’Église de Dieu reste assez secrète pour savoir qui fournit le financement, qui soutient vraiment ceux qui ont échappé aux griffes des autorités chinoises et qui dirige les opérations en Chine et à l’étranger. .

Le groupe affirme que son véritable fondateur est Dieu Tout-Puissant, mais reconnaît un prêtre terrestre, Zhao Weishan, en charge des «affaires administratives». Massimo Introvigne dans son livre dit que le Dieu incarné de l’église est une femme nommée Yang Xiangbin, née en 1973 dans le nord-ouest de la Chine. , mais l’église ne confirme ni son nom ni ses antécédents par «vénération pour Dieu». Zhao et la femme mystère seraient dans la région de New York, à la recherche de dons et d’activités de soutien dans un autre centre de l’église à Flushing, de tous endroits, mais personne ne reconnaît les avoir vus.

LE MOT DANS LA CHAIR

Ici à Séoul, les membres d’église polis et bien vêtus ne parlent de rien de tout cela, indiquant qu’ils ne connaissent pas eux-mêmes les réponses, mais restent attachés par la foi à la vision de Jésus sur terre. Tout est présenté dans le livre sacré, un tome de 2446 pages qui a été traduit et publié en 27 langues. « Un enregistrement de la période des déclarations de Dieu Tout-Puissant », est ainsi décrit. Le titre: Le mot apparaît dans la chair.

Holly Folk, professeur à l’Université Western Washington, est sympathique. « Une fois que vous avez examiné les antécédents, » dit-elle, « vous vous rendez compte qu’aucune des accusations n’est vraie. » En analysant la campagne contre le CAG, « Vous voyez exactement la même décision du gouvernement chinois contre le Falun Gong. »

Quant à l’image de Dieu incarné, dit Folk, «ils sont extraordinairement calvinistes, leur théologie est similaire à la théologie des puritains». Un thème, dit-elle, est la prédestination – le sens que Dieu a prédéterminé le sort de tous les êtres vivants. .

Bien sûr, concède-t-elle, « il y a certaines choses qu’ils font, ils utilisent de faux noms et font ces trucs cachés », mais c’est parce qu’ils « s’inquiètent de l’immigration » – résidence permanente à l’étranger – pour les sauver du rapatriement forcé en Chine. Quant à ces dirigeants insaisissables à New York, ils «sont préoccupés par l’assassinat».

Ces fervents adeptes ici à Séoul ne vont aucunement spéculer sur tout cela. Ils sombrent dans le silence lorsqu’on leur demande qui sont les vrais leaders, où ils se trouvent, qui leur donne des directives ou qui paie les factures. Tout se résume à une chose, disent-ils, « Dieu sur Terre ».

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